Alors oui, comme nous le disions, « Les élections passent, le nucléaire avance, et les déchets restent ». Au passage, on se fait braquer notre pognon non seulement pour couvrir nos besoins quotidiens en énergie, mais aussi pour « retraiter » des déchets dont on ne sait finalement que faire.

N’étant pas de grands naïfs, nous savions bien aussi que ce n’est pas une simple manif qui allait arrêter le programme nucléaire. Quand on sait que les catastrophes nucléaires et ce qu’elles entraînent ne remettent pas en cause le nucléaire, on se doute bien que défiler ne changera pas grand chose à l’affaire.

Pour nous, le but était tout autre : certes, nous sommes contre le nucléaire et nous nous devions donc d’expliquer pourquoi, par voie de tracts. Mais nous nous devions aussi de pousser plus loin la réflexion : pour nous, il est clair que nous ne pourrons pas faire l’économie d’une révolution et de la proposition d’alternatives concrètes, loin des luttes de pouvoir de droite ou de gauche.


Cette position politique explique peut-être le grand intérêt que la table de presse tenue par le groupe de Marseille de la Fédération Anarchiste a eu : de nombreux ouvrages et brochures diffusés, et pas seulement sur le thème de l’écologie. Des textes très politiques, sur l’anarchisme, l’autogestion, et plus largement sur la culture libertaire ont donc été diffusés : c’est à croire que malgré le matraquage incessant des medias, un certain nombre de personnes se posent des questions ... et c’est tant mieux.

Après un pique-nique assez baba-cool, nos tables de presse sont rangées et la manif démarre enfin. Entre temps, nous avons eu droit à des discours à la tribune sur ITER et plus largement sur le nucléaire, sans que ceux-ci, de près ou de loin, remettent vraiment en question le système « démocratique » dans lequel, soit disant, nous vivons. La manif démarre donc, et nous ne pouvons que constater que la vue d’ensemble de ce cortège est décevante : bien moins de monde que lors de la manif anti-EPR à laquelle nous avions participé à Lyon le 17 mars dernier. Peut-être est-ce dû au choix du lieu de la manif, à l’absence d’échéances électorale proches, ou encore à la difficulté plus générale de mobiliser plus largement que les noyaux durs des milieux écologistes.

Quoi qu’il en soit, le fédéralisme libertaire a été d’une efficacité réelle puisque du côté de la Fédération Anarchiste, la mobilisation a rassemblé du monde. Des militants, mais aussi des sympathisants anarchistes ont donc défilé sous les drapeaux noirs pour essayer de faire entendre autre chose que le simple discours anti-nucléaire. Alors que, dictature médiatique oblige, des organisations écolos voulaient que les gens se couchent au sol histoire de faire un « happening », les anarchistes, eux, resteront debout et donc encore plus visibles. « On n’est pas couché ! On est révolté !» : un message apprécié plus que modérément par certains écolos-réformistes... La manif se termina ensuite tranquillement, avec un épisode amusant durant lequel notre cortège se retrouva en tête de manif quelques instants. Une fois la manif terminée, nous ferons pour notre part un petit tour au CIRA (le Centre International de Recherche sur l’Anarchisme) : des bouquins, des journaux, des fanzines, des affiches ... ces archives offrent un panorama de l’anarchisme depuis le 19ème siècle jusqu’à aujourd’hui. Une visite trop rapide bien sûr, mais qui donne envie de revenir et qui fait prendre conscience de l’intérêt de ce projet (projet qui a besoin de soutien financier !).

Au final, si il était clair que cette manif n’allait pas changer la donne pour ce qui est du suicide nucléaire, cette journée a souligné l’importance du militantisme de terrain, régulier et continu. Elle a aussi offert une visibilité trop rare aux anarchistes et nous a aussi permis de resserrer les liens entre nous, mais aussi avec nos sympathisants. Plus largement, il est de plus en plus évident que ce type de lutte ne peut être isolé d’une lutte de libération plus globale.